samedi 22 août 2015

10 jours de trek dans l'Altaï (suite et fin)

  •   Jour 6 : en direction des 5 saints (23 km)
Après une nuit agitée, la pluie cesse enfin et nous recevons avec joie la livraison de yaourt tout frais produit du matin. Nos guides cavaliers-chameliers sont fin prêts et il ne nous reste plus qu'à plier une tente que le vent violent a déjà séchée.
Nous quittons la vallée de la rivière Tsagaan et prenons la direction du Parc national de l'Altai Tavan Bogd, les "cinq monts sacrés de l'Altai". Nous marchons d'abord dans des grandes plaines puis attaquons un nouveau col qui va nous permettre de changer de vallée. Le sentier est bordé d'hivernages kazakhs devant lesquels sont accumulés des monceaux de plaques de tourbe qui serviront de combustible pour l'hiver. Pour nous, cela veut dire traverser de nouveaux marécages en sautant de bosse en bosse pour éviter d'avoir de nouveau les pieds trempés. C'est épuisant mais l'on s'y fait...  
Nous passons un col pour changer de vallée et prendre la direction de plus hauts sommets. Après ces efforts, nous retrouvons enfin la rivière et donc, le plat !
  • Jour 7 : Cap sur le glacier Potanine (17 km)
On quitte de nouveau la vallée de la rivière blanche (Tsagan) pour se diriger vers le camp de base du glacier Potamine. La marche d'approche est plutôt tranquille. Et comme d'habitude, alors qu'on imagine être seul dans ces espaces immenses, nous faisons de multiples rencontres. des cavaliers, des caravanes et même des motards! Encore une surprise: avec 2 habitants au km2 (et certainement beaucoup moins si on exclut la capitale où se concentre la moitié des 3 millions d'habitants), il y a toujours quelqu'un prêt à vous accueillir ou à accueillir dans ces grandes étendues.
Si Byambaa et Katia nous ont habitués à des repas délicieux, ce jour là nous sommes tous épatés : les pizzas mongoles cuites sur le camping gaz font partie des très grands moments gastronomiques de ce trek! 

L'incroyable pizza mongole!
Nous arrivons enfin en vue des glaciers et installons les tentes pour passer la nuit au camp de base du Malchin sous l'oeil des chevaux et des chameaux.
Le glacier Potanine (12 km de long mais en diminution)

  • Jour 8 : l'ascension du Mont Malchin (13 km mais qui comptent double!)
Le parc de Tavan bogt réunit un ensemble de sommets situés à la frontière entre la Mongolie, la Chine et la Russie. Le point culminant est le Khuiten, "mont froid" (4374 mètres). Les quatre autres autres sommets formant le Tavan Bogd dépassent tous les 4000 mètres. Il y a le Nairamdal, "mont de l'amitié" (4082 mètres), le Burged (4068 mètres), l'Ölgii (4050 mètres) et le Malchin, "mont de l’éleveur" (4037 mètres). Notre objectif : arriver au sommet de ce dernier. 
Tôt levés, nous quittons le camp à 7h30 avec une jolie lumière malgré le brouillard.

La marche d'approche vers le Malchin
Au bout d'une heure de marche tranquille, on arrive enfin au pied d'un immense pierrier. Près de mille mètres de dénivelé nous attendent. Les meilleurs mettront 3 heures, d'autres plutôt 4 mais aucun ne s'arrêtera avant le sommet. Et heureusement car le panorama vaut vraiment la peine d'être vu!

Au cas où cela ne se verrait pas assez, je précise que nous sommes fatigués
La descente dans les pierres est au moins aussi éprouvante que l'ascension. Heureusement la pause déjeuner vient interrompre l'effort continu.
  • Jour 9 : en route vers Shiveet Khaïrkhan (26 km)
Le temps se dégrade incroyablement vite. Le départ se fait sous les flocons et dans la tente il fait 1,5°. Il faut quand même sortir du sac de couchage pour lever le camp en direction de la vallée et des sites de pétroglyphes sur la Shiveet Khaïrkhan,  montagne sacrée pour les Touvas. 
Nous repassons par le même chemin emprunté 2 jours auparavant mais avec une autre perspective!
 Nous retrouvons également les nomades khazaks, leurs grands troupeaux, leurs fromages et l'aïrag (lait de jument fermenté) qui macère toujours à gauche de la porte.  
Pour obtenir l'aïrag, faire fermenter du lait de jument dans dans une grande poche en peau de vache (Khökhüür). 
Après la pause goûter, nous reprenons notre marche à travers les marécages (hé oui, encore!) pour atteindre notre campement près de la rivière blanche.
  • Jour 10 : des peintures rupestres et de la pluie (16 km)
Notre dernier jour de marche se déroule à travers d'immenses plaines glaciaires bordées par la rivière et entrecoupées de tourbières.
 Nous retrouvons des sites funéraires türks où les stèles alternent avec des statues anthropomorphiques.


Haïsem et Erbolat doivent nous quitter. Le déjeuner se passe en chansons (diphoniques pour eux, cacophoniques pour nous). Nous sommes aidés par l'absorption de vodka de lait mongole ou Arkhii. Elle est distillée à base de de tairag (yaourt) fermenté et titre en moyenne 15 à 20%.  Bon, à dire vrai, c'est quand même spécial. 
Le temps est de plus en plus dégradé (nous aussi d'ailleurs, surtout après ces libations!). Nous profitons d'une petite accalmie pour aller admirer les peintures rupestres.


  • Jour 11 : retour à Olgii
Grosse galère : non seulement il a plu des trombes toute la nuit mais le terrain est tellement détrempé que même l'UAZ n'a pas pu arriver jusqu'aux tentes. Nous démontons tout sous une pluie diluvienne et devons parcourir au moins 500 m. à travers les tourbières pour tout transporter dans le fourgon. Nous sommes trempés comme des soupes et réfrigérés ! 
Les kuushuurs croustillants et le thé salé bien chauds du guaanz à Ulaankhus sont plus que bienvenus.
Nous nous arrêtons également à Sagsaj pour voir l'aigle d'Haisem, 5 fois champion de chasse à l'aigle. On peut le voir en photo sur cet article du Monde de novembre 2011 (cliquer là). Nous ne pourrons malheureusement pas voir de chasse car elle commence en octobre après le festival de l'aigle qui se tient tous les ans près d'Olgii (de très belles images ici)
 Une fois arrivés à Olgii nous visitions le musée dont le 3ème étage offre une bonne présentation de la culture kazakh. Nous disons au revoir à notre chauffeur et à sa fidèle camionnette et passons notre dernière nuit dans l'Altaï sous une yourte kazakhLes yourtes kazakhs sont plus grandes et leur toit beaucoup plus pointu que les yourtes mongoles (certains ont des projets d'amélioration écologique assez originaux). Mais surtout leur décoration est très riche : tapis de feutres colorés, tentures brodées sur les murs, plafond et rebord du toit intérieur décorés… Ce n'est, hélas, pas vraiment le cas dans notre camp.
Yourtes près du lac Khoton

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Au total, nous aurons parcouru environ 170 km de sentiers essentiellement situés entre 2500 et 3200 mètres d'altitude et franchi les 4000 mètres au mont Malchin. Nous revenons en pleine forme et affutés pour les prochaines randonnées en IdF.
Pour l'organisation du trek et du séjour sur place, voir par là.

vendredi 21 août 2015

10 jours de trek dans l'Altaï (première partie)

Après quelques jours passés à déambuler dans Oulan Bator et aux alentours, nous retrouvons nos 3 camarades marcheurs pour prendre l'avion à destination d'Olgii, petite ville située à environ 1650 km à l'ouest d'Oulan Bator, dans une province à majorité kazakhe.
  • Jour 1 : Oulan Bator-Olgii
Après 3 heures de vol dans un petit Foker, nous débarquons enfin dans le far west mongol. Notre chère accompagnatrice au français parfait, Byambaa, nous conduit à la cantine de l'aéroport où nous est servie une montagne de buzz, raviolis au mouton, et du suutei tsaï, thé au beurre salé que nous allons apprendre à apprécier. Bien calés après ce solide repas, nous faisons enfin connaissance de notre chauffeur et de Katia, qui se révèlera une cuisinière de haut niveau. Et tout le monde embarque dans l'incontournable UAZ 452, véhicule de base dans cette région aussi (ceux qui ont suivi les voyages en Sibérie reconnaîtront immanquablement cette camionnette indestructible).
Après 6 heures de route sur des pistes complètement défoncées et à travers des paysages souvent désertiques, nous arrivons enfin en vue du lac Khourgan. Nous sommes alors à quelques km de la Chine et il nous devons nous faire enregistrer au poste militaire du secteur avant d'atteindre enfin le premier bivouac au bord du lac Khoton. Nous sommes accueillis par une famille de nomades avec le traditionnel thé au beurre salé accompagné de boortsog, sortes de beignets, agrémentés de crème et de beurre de yack, de biscuits et d'un fromage qui ressemble à du parmesan très très dur. Une petite trempette dans le bol de thé permet de ne pas y laisser les dents! 

Battage de la laine pour la fabrication du feutre
  • Jour 2 : le long du lac Khoton (15 km)

Après une première nuit sous la tente, nous entamons le trek en longeant le lac. Le paysage est magnifique, la lumière parfaitement pure et les rencontres nombreuses. Le long du lac sont en effet installées de nombreuses familles qui mènent leurs troupeaux paître sur les rives herbeuses tout en faisant la récolte de foin pour l'hiver.  Nous faisons également connaissance de Haisem et Erbolat, qui mènent les chameaux qui portent nos sacs, les tentes, les provisions, etc.
Le camp est installé à l'extrémité nord du lac Khoton, à Sirgaal.
  • Jour 3 : vers le lac Nogoon (17 km)
Les choses commencent à se corser un peu : à une première journée sur le plat succèdent quelques bonnes côtes. Après une nouvelle halte dans une 2ème caserne pour nous faire de nouveau enregistrer, nous marchons le long de la rivière blanche qu'il faut traverser à dos de cheval. Nous n'en menons pas large car le courant est puissant et nos talents de cavaliers plutôt faibles.
Nous croisons des troupeaux de yacks, moutons et chèvres (pour le cachemire) et découvrons les immenses dites funéraires türks (7ème siècle) avec une tombe centrale entourée de stèles supposées représenter le nombre d'ennemis tués.
L'ascension le long de la vallée de l'ours où passe la rivière blanche nous mène jusqu'au lac Nogoon (lac vert), joli lac sacré entouré de mélèzes. Nous sommes désormais à 2823 m. d'altitude et la température commence à baisser.
  • Jour 4 : vallée de Takhilbai (21 km)
Après avoir pataugé dans les marécages, nous quittons la rivière blanche pour la vallée de Takhilbai que nous rejoignons une fois franchi un col assez raide.
 Nous ne sommes, hélas, pas au bout de nos efforts. Il s'agit de traverser une rivière pour établir le campement. C'est là que les problèmes commencent. Les chevaux sont encore assez loin derrière et nous devons trouver un moyen de traverser. Aucun de nous n'en sortira indemne et toutes les chaussures, pantalons, chaussettes, etc. seront trempés. Heureusement, le fort vent qui souffle ce soir là nous permet de sécher tout cela.
  • Jour 5 : où l'on retrouve une autre rivière blanche (20 km)
Nous prenons une double ration des délicieuses crêpes préparées par Katia au petit-déjeuner en perspective d'une grosse journée. Le temps est très très médiocre. Le vent souffle, il fait carrément froid mais il ne pleut pas, du moins pas encore. Avec tout cela, il s'agit de passer un nouveau col à 3200 m.


Par chance, la vue exceptionnelle n'est pas gâchée par le brouillard. En plus d'admirer le paysage, nous avons en plus la grande surprise de constater que les chameaux ont une bonne tenue sur neige!
Le temps se gâte de plus en plus. Après une nouvelle traversée de rivière suivie d'une petite séance de passage de tourbière et avant de planter la tente, nous faisons une pause bien méritée dans la yourte chaleureuse d'une famille Touva qui élève un immense troupeau. En plus du goûter, nous avons la chance d'écouter quelques morceaux interprétés au morin khuur et à l'ikh khuur, instruments traditionnels mongols, par la jeune fille de la maison.
La nuit se passe sous une pluie battante. Nous apprendrons le lendemain que le troupeau a été harcelé par des loups jusqu'à 4 heures du matin. Heureusement que le bruit du vent a couvert leurs hurlements!
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Pour la suite, c'est par là...