dimanche 28 septembre 2014

Récré au CentQuatre

Dès le réveil l'ambiance était studieuse et les claviers crépitaient (c'est une image bien sûr). Pourtant, en début d'après-midi, difficile de résister à l'appel du soleil. Après la grande balade d'hier, il s'agissait d'être raisonnable. Nous avons donc privilégié une petite virée au CentQuatre.
Pour une fois, le parking à vélib de la rue de Metz venait d'être réapprovisionné; nous sommes donc partis à vélo vers la rue d'Aubervilliers. Pour être tout à fait franche, le choix de la destination n'était pas dû au hasard. Il y a au moins deux bonnes raisons pour aller au CentQuatre en ce moment. 

1. La Cabeza de Niki de Saint Phalle présentée pour la première fois en Europe dans le prolongement de l'expo au Grand Palais.


Vue de l'intérieur

2. Le Festival Temps d'images organisé par le CentQuatre et Arte où se mêlent la danse, la vidéo, le théâtre et les arts plastiques. Mon premier coup de coeur va à Ackroyd et Harvey. Ces artistes londoniens utilisent l'herbe pour créer des portraits inattendus. Leur installation intitulée Life on Life rassemble des toiles verticales ensemencées d’herbe sur lesquelles ils projettent de la lumière. Ils parviennent ainsi à faire apparaitre des visages qui se révèlent différemment selon l'éclairage. Leur travail est bien mieux mis en valeur sur leur site, ici.


L'autre installation qui m'a beaucoup plue est celle de l'artiste plasticienne et vidéaste libanaise Lamia Joreige, Beyrouth, autopsie d'une ville. Elle mêle images et vidéo modernes à des textes anciens pour faire le portrait d'une ville où s'exprime la difficulté de construire une histoire longue. La vidéo sur l'histoire géologique du Liban et la déclinaison du mot "catastrophe" est particulièrement poétique.

Troisième oeuvre très émouvante: Symphony I d'Adel Abidin, un artiste irakien qui vit et travaille à Helsinki. Son tableau rend hommage aux adolescents irakiens "emo", lapidés à mort par des extrémistes religieux à Bagdad.

A coté de cela, on a pu découvrir le mobilier d'Ousmane Mbaye, designer sénégalais qui travaille à partir de bidons d'essence qu'il collecte uniquement à Dakar pour inventer des pièces de mobilier.

Au risque de me faire huer, je trouve que l'une de ses pièces évoque terriblement les meubles de François-Joseph Graf disposés à l'entrée du pavillon chinois dans le cadre de l'exposition Décors à vivre au musée des Arts décoratifs dont je n'avais pas parlé ici. 

  
A part ça, le CentQuatre est un endroit toujours aussi sympa avec ses grandes halles et ses danseurs.

Comme le temps pressait et l'heure tournait il a fallu traverser le jardin d'Eole à toutes jambes pour aller chercher un vélib. J'ai eu à peine le temps de prendre une photo qui, s'il n'y avait pas cet horrible projecteur, complèterait avantageusement ma série de paysages urbains avec ces sortes de coquelicots qui n'en sont certainement pas. Voyez ici et  (en bas du post).


Heureusement qu'entre Stalingrad et la maison ce n'est que de la descente. Moins de 10 minutes montre en main du jardin à l'ordi. Finalement, j'ai bien fait de sortir. 

samedi 27 septembre 2014

Un peu de Land art

En ce week end de Fête des jardins (pour le programme, c'est ICI) et alors que, pour le coup, c'est vraiment l'été indien (ça fait quand même presque un mois qu'on en parle), il fallait s'aérer. 

Une petite balade au jardin des plantes était bienvenue pour relâcher la pression de la semaine. Depuis le 6 septembre les grandes serres accueillent Les Hybridations d'Alexis Tricoire.

Alexis Tricoire s'inscrit dans la mouvance Land art (on avait déjà eu l'occasion d'en parler  au cours de la balade "De Savigny le temple au Plessis Chenet"). D'habitude il met en scène les végétaux mais dans la forêt luxuriante de la serre tropicale, il a pris le parti contraire : les plantes servent de cadre à des installations de brosses et balais qui figurent des fleurs, des champignons, des animaux, ou encore des totems. L'expo est Le résultat d'une collaboration avec la Fédération Française de la Brosserie (pourquoi pas...) et, donc, mêle des objets industriels à un cadre naturel. Dans un souci d'eco-responsabilité, seuls des produits défectueux ou en fin de vie et des objets issus de stocks inutilisés ou provenant de commandes annulées ont été utilisés.

Il y a en tout une quarantaine de scènes réparties dans la serre des forêts tropicales humides, la serre des déserts et milieux arides, la serre de Nouvelle-Calédonie, et celle de l'Histoire des plantes. Les éléments (brosses, balais, paille de fer, etc.) sont installés en «populations» et créent des paysages hybrides étonnamment réalistes et crédibles







Le résultat est vraiment chouette. Enfin, c'est notre avis parce que les commentaires de certains visiteurs n'étaient pas très enthousiastes.

Repartant vers le 10ème à vélo, nous avons fait une pause à l'Estaminet des enfants rouges où le jus de pommes-poires (bio bien sûr) est excellent (contrairement à la cuisine). Contrairement à ce que pourrait laisser croire ce début de paragraphe, je ne me perds ni en chemin, ni en digressions. Parce que, juste derrière la terrasse, il y avait aussi, heureux hasard, une installation de Land art. Là, c'était plutôt des légumes qui étaint mis en scène.



Bon, je m'arrête ici car moi aussi j'ai des légumes à aller acheter!  

samedi 20 septembre 2014

Auto-critique

"Chiant qui comme Ulysse a fait un beau voyage". C'est le début du micro-livre de Matthias Debureaux (40 pages) qui s'intitule "De l'art d'ennuyer en racontant ses voyages" paru aux éditions Cavatine.



Dès le début, l'objet est clair: 
Chiant qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage. Car pour quelques bouches d’or aux récits merveilleux, combien de fâcheux et d’importuns. Combien de Carthaginois mythomanes brodant sur leur virée à dos d’éléphant. Combien de Vikings ressassant leurs viols sous les étoiles ou en trinquant des cornes éclaboussantes d’hydromel. Combien de chevaliers gâchant de somptueux banquets en étalant leurs croisades et leur façon très personnelle d’embrocher les Sarrasins. Combien de pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle exhibant fièrement leurs pieds endoloris. Imagine-t-on le calvaire des compagnons de cellule de Marco Polo soumis des jours durant au feu de ses tribulations sur la route de la soie ? On ne soupçonne pas non plus le cauchemar enduré par les épouses des marins engagés aux côtés de Christophe Colomb. Une vie entière à supporter les mêmes fables.


Cela rappelle inévitablement les soirées diapos en famille ou chez des copains rentrant, enthousiastes, d'un tour du monde d'une année à la fin de leurs études. Ou la version moderne, le blog de voyage de filles trop peu douées de leurs mains pour aller aux cours de céramique ou de macramé. 

Le plus drôle sont les conseils données pour captiver l'auditoire et, l'air de rien, ramener les spectateurs à leur morne condition d’obtus sédentaires ou, pire encore, de touristes. Car l’exploraseur, voyez-vous, ne fait pas de tourisme, il voyage! 

Mais Matthias Debureaux n'est pas que critique, il donne aussi de "fabuleux" conseils pour animer ses récits et captiver ses amis. Quelques exemples toujours utiles: 
  • Ne dites pas "j’ai passé deux mois en Inde", mais plutôt "j’ai vécu dix semaines et demi en Inde." 
  • Soyez tactile. Un récit de voyage doit être une fête des sens. Laissez déborder votre chaleur humaine en saisissant épaules et poignets de votre auditoire. Insérez des dialogues, imitez les accents locaux et mimez les scènes (…).
  • Choisissez de vrais gens et des petits métiers perpétuant des traditions centenaires (ermites des taïgas, sherpas du Khumbu, éleveurs de yacks) en feignant de croire que les huissiers de justice et les agents d’assurance n’existent pas à l’autre bout du monde. Rappelez la joie de vivre du berger dropka des hauts plateaux, la patience du nettoyeur d’oreilles de Bombay ou le rayonnement de la vendeuse de fruits de Phnom Penh mais jamais celui du guichetier qui a changé vos Travellers chèques.
  • Et ce dernier, très pratique lorsqu'on est à cours d'arguments. Déclarez votre flamme pour le fascinant mélange de tradition et de modernité. L’argument est pratique car peu de capitales échappent à cette règle.

Je vais aller le réviser de ce pas et faire mon auto-critique en méditant cette citation du vieux Sacha Guitry qui sur ce sujet, comme sur tant d'autres, avait une idée bien arrêtée:
Les voyages, ça sert surtout à embêter les autres
une fois qu’on est revenu



dimanche 7 septembre 2014

La Chine à Versailles

Le souhait exprimé sur FB a été exhaussé, il a fait beau aujourd'hui. Comme prévu direction St Lazare pour se rendre à Versailles voir l'exposition qui commémore les 50 ans de l'établissement des relations diplomatiques entre la République populaire de Chine et la France.
Nous avions un peu trainé le matin mais, finalement, nous nous en sommes bien portés car nous sommes arrivés au château alors que la première fournée de groupes en sortait et que la seconde était encore en train de déjeuner. 


En arrivant vers 13 heures nous avons évité la queue à la billetterie et à l'entrée mais pas la procession pour la visite complète. Si on a déjà vu 15 fois la galerie des glaces et la chambre du roi, il y a une astuce pour shunter tout le circuit. Passer par l'escalier qui mène au café Angelina (à gauche de la cour royale), une fois en haut aller à droite en direction de la salle du sacre de Napoléon où est accrochée une copie faite par David de l'original exposé au Louvre puis, au fond de la salle, prendre le petit couloir à droite. 
Et là, on arrive enfin.

L'affiche de l'expo, aucune reproduction en vente (on ne dit pas bravo)
L'exposition retrace l'histoire des échanges politiques et artistiques entre la Chine et la France au XVIIIe siècle. Louis XIV n'est pas à l'initiative des échanges commerciaux avec l'Empire du milieu mais il a accordé une grande importance à l'établissement d'une politique diplomatique en direction de l'orient notamment en créant la mission jésuite française. Les rapports avec la Chine se sont accentués sous Louis XV et de Louis XVI, en particulier grâce au ministre Henri-Léonard Bertin (1720-1792. Cette politique mène à des échanges scientifiques et intellectuels intense et influence la création artistique à la cour de Versailles dans tous les domaines, y compris la littérature. Quand il ne s'agit pas carrément d'imitations.

L'exposition illustre la manière dont les artistes français ont intégré les productions artistiques chinoises. A partir de 150 oeuvres environ, on comprend que dès Louis XIV, les chinoiseries étaient donc très prisées en France. Comme les photos sont interdites, les images qui suivent sont soit récupérées sur les pages que le site internet du château de Versailles consacre à l'exposition, soit des scans du catalogue, soit téléchargées à partir d'autres sites.

On voit évidemment des porcelaines chinoises ou à la manière de ...

Trois vases oeuf à décor chinois, Manufacture royale de Sèvres, 1775Fontaine à parfum en porcelaine de Chine et bronze doré (Jindezhen, Chine, 1662-1722)
                                                           

... des éléments d'architecture comme ce manège installé pour Marie-Antoinette, ...
Jeu de bague chinois de Marie-Antoinette; Claude-Louis Châtelet, 1786

... et des tapisseries, soieries et autres objets précieux.



Tapisserie d'après un carton de Jean-Baptiste Monnoyer, Jean-Baptiste Belin de Fontenay et Guy-Louis Vernansal Manufacture de Beauvais. Premier tiers du XVIIIe siècle.Coupe en jade blanc de Chine
Epoque Ming (1368 - 1644)
Acquise en 1665 par Louis XIV



Esclave descendant une barque de marchandises et chinois fumant et prenant le thé. Huile sur toile peinte vers 1761 par plusieurs artistes français pour le cabinet «des Chinois » de la reine Marie Leszczynska à Versailles.
Les objets et livres exposés retracent également l'intérêt des européens pour les descriptions de la chine, adressées par les jésuites français à leurs correspondants tout au long du XVIIIe siècle. Les deux très longs règnes que connaissent les deux pays ont peut-être facilité la stabilité des relations. Celui de l’empereur Kangxi a duré de 1661 à 1722 et celui de Louis XIV de 1643 à 1715. Ils était aussi tous deux grands amateurs d'art.


Tout cela m'a terriblement rappelé un livre que j'ai adoré et dont je ne peux pas m'empêcher de parler. Il s'agit du Chapeau de Vermeer, de Timothy Brook, l'un des grands noms de l'histoire globale.


L'idée est escellente. Brook a choisi cinq tableaux de Vermeer (des intérieurs et une des vues extérieures de Delft) une œuvre d’un contemporain, Hendrick Van der Burch, et une faïence de Delft, sans doute de la fin du XVIIè siècle, pour présenter le monde du XVIIème siècle. Chaque chapitre est consacré à un détail de l'oeuvre qui atteste des relations entre différentes parties du monde, des filières, réseaux et circuits d'échange.
Le 3ème chapitre commence avec le tableau "La liseuse à la fenêtre", peint vers 1667 qui l'amène à analyser les échanges entre l'Europe et la Chine. 

Bien sur, la jeune fille, la lumière et les nuances du rideau attirent immédiatement l'oeil mais Brook s'intéresse surtout au tapis turc et à la jatte de fruits, nouvelle « porte d’entrée » sur la Chine. Si les premières porcelaines chinoises ont beaucoup étonné les européens habitués à la faïence, ils ont été complètement séduits par les porcelaines blanches peintes au bleu de cobalt et recouvertes d’un émail brillant. Comme la porcelaine importée était de seconde catégorie, les potiers hollandais ont adapté leurs productions aux goûts de la clientèle. L’un de ces objets hybrides, un grand bol à soupe creux, appelé Klapmuts, est visible sur ce tableau.

Je ferme cette longue parenthèse et signale quand même que la Chine à Versailles aujourd'hui, c'est surtout ça.