samedi 2 mai 2015

Saint Eustache, chef d'œuvre de proximité

J'avoue, à ma très grande honte, que je n'avais jamais poussé la porte de saint Eustache. A mon âge (inutile de préciser lequel) il était temps de rattraper ce retard. Il aura fallu un week end du 1er mai, un réveil à l'aube et un temps vraiment dégueulasse (et je pèse vraiment mes mots) pour découvrir l'intérieur de ce véritable chef d'œuvre.
Photo: Wikipedia
Première impression: Saint Eustache est monumentale! Ses "mensurations" impressionnantes (33,5 m de haut, 100 m de long et 43 m de large) en font l'une des plus grandes églises de Paris et la rapprochent davantage de la cathédrale que de l'église de quartier. 
De saint-Eustache, on connait surtout le parvis.

Avril 1993, les 2 plus jolies petites filles qu'on ait jamais vu sur le parvis
Mais St Eustache, c'est beaucoup plus que cela. Comme le racontent Fanny Bourgois et wilfrid Poma (Les monuments de Paris et leurs petites histoire, à feuilleter ici), l'histoire remonte en 1213, alors qu'un bourgeois de Paris, Jean Alais, chef des joueurs de mystères (en fait il donnait des spectacles religieux sur la place de l'église), prête au roi Philippe Auguste une importante somme d'argent. Pour le rembourser, le roi l'autorisa à prélever un denier sur chaque panier de poisson que l'on vendait aux Halles, dont il avait bâti les deux premiers bâtiments destinés aux drapiers et tisserands en 1181. La recette fut si importante que Jean Alais, selon l'usage de l'époque, fonda une chapelle dédiée à sainte Agnès en remerciement de sa bonne fortune. Elle correspond à l'emplacement du chœur de l'actuel bâtiment. En 1223, la chapelle acquiert le statut d'église, puis devient église paroissiale en 1303, dédiée à saint Eustache, dont la basilique de Saint-Denis avait offert une relique. Cet Eustache, ex Général Placidas, est passé à la postérité en raison du miracle du cerf crucifère qui lui est apparu alors qu'il chassait en forêt (pour la symbolique du cerf et autres animaux, il faut (re)lire le Bestiaire du Moyen-Age de Michel Pastoureau).  
Sous sa forme actuelle, ou presque si l'on exclut la réfection par Baltard, la construction de St Eustache a duré de 1532 à 1640.Voilà pour le début de l'histoire. Pour plus de détails et d'images on peut se reporter ici, ou , ou encore .

Saint Eustache abrite une impressionnante chapelle de la Vierge. Construite en 1640 puis restaurée de 1801 à 1804 ; elle fut inaugurée par Pie VII le 22 décembre de cette dernière année lorsque celui vint à Paris pour le couronnement de Napoléon. On y trouve, au centre, une sculpture de la Vierge à l'Enfant de Jean-Baptiste Pigalle que le peintre Thomas Couture a mis en valeur par trois grandes fresques sur le thème de la Vierge : La vierge triomphante adorée par les Anges, La vierge étoilée des marins et La vierge consolatrice des affligés.




Parmi les sépultures de nombreuses personnalités, comme Scaramouche, Rameau, Marivaux ou Montesquieu, le mausolée de Colbert mérite une mention spéciale. Il a été réalisé par Antoine Coysevox (1640-1720) en bronze et marbre blanc et noir, d'après les dessins de Charles Le Brun. A gauche du sarcophage, la Fidélité, à droite, la Piété ou l'Abondance.

Colbert, n'a pourtant pas laissé que des bons souvenirs. En 1655, en tant que paroissien et premier marguillier (en gros administrateur des biens de la paroisse) de Saint-Eustache, il fait aménager deux chapelles sous les tours de la façade, ce qui en compromet gravement la solidité. Il faudra démolir la façade ainsi que la première travée de la nef et des bas-côtés. 
Autre pièce de choix, les grandes orgues qui, avec près de 8 000 tuyaux, en font les plus importantes de France. Pour plus de détails, on peut avantageusement se reporter . Du coup, et quoique je ne sois pas vraiment amateur, cela me donne sérieusement envie d'aller au prochain concert.

Le bénitier monumental date de 1834. Il est signé Eugène Bion et représente le pape saint Alexandre (chef de l’Eglise romaine de 107 à 116 après JC) qui a institué l'usage de l’eau bénite supposée mettre en fuite les péchés véniels. No comment ! Ce n'est pas un chef d'oeuvre mais je trouve cette composition assez pittoresque.


Pour finir, deux petites surprises contemporaines.
L'une d'un intérêt très modéré, enfin à mon goût: Le départ des fruits et légumes du coeur de Paris le 28 février 1969. Elle a été sculptée en 1971 par Raymond Mason pour célébrer la fin des Halles de Baltard.



L'autre, nettement plus surprenante et intéressante, est de Keith Haring, un artiste que je ne m'attendais vraiment pas à trouver là. En bronze recouvert d'une patine d'or blanc, le triptyque, La vie du Christ, représente la montée de Jésus vers les cieux. Elle est installée dans la chapelle des Charcutiers. J'imagine que quelques dents ont dû grincer compte tenu du style et des références habituelles de Keith Haring :-)


Pour en lire plus.
  • Le Ventre de Paris bien sûr, et sa bataille entre les maigres et les gras (en pdf sur la bibliothèque électronique du Québec).
  • Paris Intérieur de Philippe Le Guillou. Un peu conservateur (au mauvais sens du terme) à mon goût mais à lire pour un aperçu des pérégrinations à travers le quartier où les vestiges du passé restent visibles près des cafés et par les noms de rue.
  • Saint Eustache est aussi l'un des quartiers favoris de ce cher Nicolas Le Floch et de son créateur, Jean-François Parot. Dès L’Énigme des Blancs-Manteaux, on le trouve rue Montmartre, donc tout près de l’église Saint-Eustache, puisqu'il réside chez le magistrat,Aimé de Noblecourt (comme Colbert, il est marguiller de la paroisse), qui lui donne des cours de droit. Aujourd'hui, l'endroit correspond au café de la Pointe Sainte-Eustache

  • Dans un autre épisode, L’Homme au ventre de plomb il ne se prive pas d'utiliser l'impasse située le long de l'église pour semer l'un de ses poursuivants.

Hé bien tout cela me donne envie de regarder un épisode de la série en streaming.

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